Hans Fallada (1893-1947) est un romancier allemand de la même génération
que Erich Maria Remarque, Ernst Glaeser et Anna Seghers. Il écrivait sans effets littéraires
particuliers, avec un réalisme au plus près de ses personnages. Il avait exercé toutes
sortes de métiers, expert agronome, comptable, gardien de nuit, marchand de céréales,
agent de publicité, reporter... Écrivain à succès entre les deux guerres
mondiales, il se retira à la campagne dans sa région natale de Poméranie pendant les
années où les nazis furent au pouvoir.
« Seul dans Berlin » fut publié juste avant sa mort en février 1947. Le titre
original est plutôt « Chacun meurt seul ». L'écrivain juif italien Primo Levi
qui a survécu à sa détention à Auschwitz, considérait ce roman comme
« l'un des plus beaux livres sur la résistance allemande antinazie ». Il ne
faut pas l'entendre dans le sens d'une résistance militante comme l'aborde Anna Seghers
dans son roman « La Septième croix » (1942, éditions folio). Dans le roman de Hans
Fallada, le couple des Quangel qui entrent en résistance contre le régime nazi sont de simples
habitants de Berlin, sans lien avec aucun parti et aucun militant.
L'action commence en mai 1940 à Berlin, au moment où les nazis fêtent leur victoire
en France. Dans un immeuble populaire de la rue Jablonski, l'événement est accueilli de
diverses façons selon les locataires. La famille Persicke, père et fils célèbrent
bruyamment, avec forces beuveries, ce nouveau succès du régime. Ces spécimens ordinaires
de nazis complotent d'aller terroriser leur voisine juive, Mme Rosenthal et de s'emparer de ses
biens. À un autre étage habite Otto Quangel, un homme taciturne. Il est contremaître dans
une usine de meubles reconvertie depuis le début de la guerre en fabrique de cercueils. Il vit
replié sur lui-même avec sa femme, sans chercher noise à personne, faisant son travail
consciencieusement. Autrefois, il a plus ou moins cru que Hitler pourrait améliorer le sort de la
population mais il en est revenu. L'annonce de la mort de son fils tué au front va
précipiter sa prise de conscience, sa volonté inexorable de dénoncer les agissements des
bourreaux au pouvoir.
Il mène cette tâche avec le même sérieux que son métier, dans un contexte
où l'ennemi mortel est partout. La terreur pousse massivement à dénoncer pour ne pas
être dénoncé soi-même. La corruption et la perversion du régime envahissent
la plupart des cerveaux.
Avec son style alerte et son ton familier, Hans Fallada fait d'autant mieux sentir l'abjection qui
contamine la plupart des gens sous le nazisme, et la dignité simple et émouvante des quelques
rares personnes qui la refusent.
Le 16 février 2003
Samuel Holder
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