L'écrivain portugais Ferreira de Castro (1898-1974) était issu d'un
milieu très pauvre. Il émigra au Brésil à l'âge de douze ans et y
travailla comme seringueiro (résinier) dans une exploitation de caoutchouc, sur les rives du
Rio Madeira en Amazonie. Il revint au Portugal en 1919.
C'est en 1930 qu'il publia « Forêt vierge » qui sera traduit en français par
Blaise Cendrars en 1938. Il y décrit ce qu'il a vécu : « ...ces fleuves aux
richesses légendaires, sur les rives perdues desquels des hommes isolés du monde
civilisé trimaient comme des bagnards pour la conquête de cet or maudit, l'or noir, la
sève des caoutchoutiers, que l'on allait saigner au cœur de la forêt vierge, dans des
clairières d'un éloignement, d'une solitude si prodigieux que les rares nouvelles du
monde extérieur qui y parvenaient, y arrivaient avec un tel retard et par des voies si
détournées que toutes paraissaient fantastiques et invraisemblables... ».
Sous sa plume, les beautés et les horreurs de la nature amazonienne nous engloutissent. La
montée des eaux, les décrues, la faune, la flore, les lumières, les bruits la nuit, tout
prend des dimensions étranges et amplifiées par l'isolement des hommes.
Alberto, chassé du Portugal, débarque dans la plantation du « Paradis »,
la mal nommée. Son sort est celui des Noirs, des mulâtres, de ceux qui ont quitté leur
région ravagée par la sécheresse pour tenter de trouver ailleurs une vie meilleure.
Ils vivent un cauchemar. Le problème de leur survie est celui de chaque instant : fièvres,
insectes, serpents, jaguar, épuisement, démoralisation, alcool, endettement. Le
« Paradis » est un enfer dont on ne s'échappe pas. Les relations humaines y
sont terribles : assassinats réciproques entre Indiens et seringueiros isolés sur les
sentiers entre les caoutchoutiers, délation entre seringueiros, haine et soumission entre
seringueiros et ceux du comptoir qui pèsent la boule de caoutchouc et livrent à des
prix exorbitants des provisions... aux seringueiros. Un vieil esclave noir, libéré
depuis longtemps mais resté échoué là, surprendra tout le monde. Le patron Juca
Tristão règne en seigneur sur la plantation, toujours libre de repartir en ville pour retrouver
sa vie de fêtard ou sa famille.
Grâce à une écriture éblouissante, extrêmement vivante, ce récit est
bien plus qu'un simple témoignage sur l'Amazonie et les relations complexes que des hommes
misérables et solitaires peuvent tisser pour survivre. C'est la raison pour laquelle il est
considéré à juste titre comme un des grands classiques de la littérature
portugaise du XXème siècle.
Le 10 mars 2003
Hélène Dujardin
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