Montedidio

de Erri De Luca

Roman traduit de l’italien par Danièle Valin
Éditions Folio (septembre 2003)
230 pages, ISBN : 2070302709

Montedidio est une colline de Naples où se trouve un quartier de boutiques et d’étroites ruelles surpeuplées. Les habitants se sont farouchement révoltés contre l’occupation allemande tandis que la marine américaine attendait au large l’issue du combat.

Le héros de treize ans qui raconte ses souvenirs vers 1956 a dû quitter l’école où le surveillant repérait facilement ceux qui étaient « inscrits à la pauvreté ». Il est entré au service d’un menuisier, mast’Errico. Son père qui est docker n’a pas eu la chance d’aller si loin que son fils dans les études. Il parle le dialecte napolitain, comme tout le monde à Montedidio. Il suit des cours du soir à la coopérative des dockers pour apprendre à lire et à écrire une langue belle et intimidante pour lui, l’italien. Il aime sa femme et son fils avec une intensité discrète.

Ce docker et ce menuisier sont des hommes droits et justes dans leur travail comme dans leurs relations avec les autres. Quand on médit dans le dos de quelqu’un, le menuisier commente sobrement : « passe-nous le rabot, sur ces discours ». Mast’Errico a accueilli dans sa boutique Rafaniello, un cordonnier juif qui répare gratuitement toutes les chaussures des pauvres de Naples. Ca fait un joli tas ! Comment a-t-il échoué là, ce cordonnier bossu, aux cheveux rouges et aux yeux verts ? Il a fui son pays. La guerre « venait de l’Ouest, elle passait sur nous, brûlait vifs les gens et la terre. C’étaient des ennemis que j’ignorais avoir. » L’histoire a joué un tour à Raffaniello en le détournant sur Naples au lieu de le conduire à Jérusalem. Une tonalité biblique étrange et merveilleuse irradie du personnage de Raffaniello, ou Rav Daniel, comme dans certains tableaux de Marc Chagall.

Le jeune narrateur découvre Maria qui a le même âge que lui. L’amour leur donne toute la sensualité, la poésie et la force audacieuse dont on peut rêver pour affronter l’existence. « La frange noire sur son front prend un peu de vent d’ouest léger et frais, il lui essuie le visage, nous nous regardons en silence des minutes entières. Je ne savais pas que c’est si beau de regarder, de se regarder tout près. »

Ce court roman est sensible et délicat, sans mièvrerie ou fragilité. La vie à Montedidio a ses côtés sordides, douloureux et splendides. Au travers de ses expériences et de son imagination, le jeune apprenti fait la conquête de l’âge adulte.

Le 18 avril 2005

Samuel Holder

< < O M /\

URL d'origine de cette page http://culture.revolution.free.fr/critiques/Erri_De_Luca-Montedidio.html

Retour Page d'accueil Nous écrire Haut de page