Montedidio est une colline de Naples où se trouve un quartier de boutiques et
d’étroites ruelles surpeuplées. Les habitants se sont farouchement révoltés
contre l’occupation allemande tandis que la marine américaine attendait au large l’issue
du combat.
Le héros de treize ans qui raconte ses souvenirs vers 1956 a dû quitter l’école
où le surveillant repérait facilement ceux qui étaient « inscrits à la
pauvreté ». Il est entré au service d’un menuisier, mast’Errico. Son
père qui est docker n’a pas eu la chance d’aller si loin que son fils dans les
études. Il parle le dialecte napolitain, comme tout le monde à Montedidio. Il suit des cours du
soir à la coopérative des dockers pour apprendre à lire et à écrire une
langue belle et intimidante pour lui, l’italien. Il aime sa femme et son fils avec une intensité
discrète.
Ce docker et ce menuisier sont des hommes droits et justes dans leur travail comme dans leurs relations avec
les autres. Quand on médit dans le dos de quelqu’un, le menuisier commente sobrement :
« passe-nous le rabot, sur ces discours ». Mast’Errico a accueilli dans sa
boutique Rafaniello, un cordonnier juif qui répare gratuitement toutes les chaussures des pauvres de
Naples. Ca fait un joli tas ! Comment a-t-il échoué là, ce cordonnier bossu, aux cheveux
rouges et aux yeux verts ? Il a fui son pays. La guerre « venait de l’Ouest, elle passait sur
nous, brûlait vifs les gens et la terre. C’étaient des ennemis que j’ignorais
avoir. » L’histoire a joué un tour à Raffaniello en le détournant sur
Naples au lieu de le conduire à Jérusalem. Une tonalité biblique étrange et
merveilleuse irradie du personnage de Raffaniello, ou Rav Daniel, comme dans certains tableaux de Marc
Chagall.
Le jeune narrateur découvre Maria qui a le même âge que lui. L’amour leur donne
toute la sensualité, la poésie et la force audacieuse dont on peut rêver pour affronter
l’existence. « La frange noire sur son front prend un peu de vent d’ouest léger
et frais, il lui essuie le visage, nous nous regardons en silence des minutes entières. Je ne savais
pas que c’est si beau de regarder, de se regarder tout près. »
Ce court roman est sensible et délicat, sans mièvrerie ou fragilité. La vie à
Montedidio a ses côtés sordides, douloureux et splendides. Au travers de ses expériences
et de son imagination, le jeune apprenti fait la conquête de l’âge adulte.
Le 18 avril 2005
Samuel Holder
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