Le film proprement dit Voyages est divisé en trois
séquences, la première se situant en Pologne, la seconde à Paris et la
dernière à Tel-Aviv. Trois femmes âgées, Riwka, Régine et Vera,
font chacune un voyage vers le passé de l'extermination des Juifs, vers leur enfance,
vers une paix intérieure inaccessible ou vers une « terre promise » peu
accueillante.
Varsovie en 1999 : un groupe de Juifs, pour la plupart de vieilles personnes rescapées du
génocide nazi, se rendent en autocar à Auschwitz. Toutes les formes de
désarroi se lisent dans les regards et sur les visages. Les plaies du passé toujours
ouvertes s'additionnent à celles du présent.
Leur volonté les a conduit là, dans cette Pologne qu'ils ne reconnaissent pas et
qu'ils ne peuvent appréhender autrement qu'avec répulsion. Chacun se pose
cette question muette et sans réponse satisfaisante : « Pourquoi suis-je revenu
ici ? » Mais quelques phrases échangées en yiddish, et c'est le monde
d'avant Auschwitz qui revit à nouveau, timidement.
Tout au long du film, le yiddish, cette langue rayée par un cataclysme de l'histoire,
s'invite à tous propos, entre le russe, l'hébreu ou le français, pour
traduire des émotions spécifiques, pour se moquer ou pour chercher son chemin en
Israël où presque personne ne le parle. Tout est exprimé avec beaucoup de
retenue, sans complaisance ni sentimentalisme. Les épreuves n'ont pas soudé les
rescapés mais elles ont créé comme un espace commun où se tissent des
liens complexes, où s'expriment des potins, des rancœurs, des illusions, de
l'humour et de la générosité.
Les acteurs, professionnels ou non, ont une présence magnifique. Certains jouent
également dans le court métrage Madame Jacques sur la Croisette qui a les
mêmes qualités que Voyages mais se situe davantage dans le registre d'une
comédie douce-amère.
L'ensemble des séquences de ce DVD, films et commentaires par Emmanuel Finkiel, sont
à recommander chaleureusement. Le réalisateur et son équipe y font preuve
à la fois de délicatesse et d'un sens aigu de l'observation.
Le 1er novembre 2001
Samuel Holder