Cette petite île de Lampedusa, au large de la Sicile est battue par une mer difficile,
d'un bleu profond. Elle n'est pas plus hospitalière aujourd'hui qu'au temps
d'Ulysse. On y travaille dur, les hommes sur les bateaux et les femmes à la pêcherie.
Pendant ce temps-là, les garçons s'affrontent farouchement dans la rocaille,
pétaradent sur leurs vespas, se pavanent en ville et s'instaurent gardien de la vertu de leurs
sœurs. Le soleil est brutal et les mœurs de la communauté villageoise sont plutôt
rudes.
La belle Grazia est la femme du pêcheur Pietro qui l'adore, en dépit de toutes les
difficultés quotidiennes. Elle est mère de trois enfants, une grande fille paisible et deux
garçons batailleurs. Son sourire, sa grâce et sa générosité ne sont pas
adaptés à l'âpreté des lieux et des relations entre les gens. Mais elle est
ainsi, libre à sa façon. Personne n'y peut rien changer. La plupart des villageois
considèrent cette façon d'être comme de la folie. On reproche à Grazia
d'être trop joyeuse ou trop triste ; et comme elle se révolte trop souvent, avec
frénésie, il faut envisager de l'envoyer à Milan se faire « soigner ».
Et si c'était le village et ses règles qui n'étaient pas adaptés à
la joie de vivre de Grazia ?
La singularité de cette histoire où sourd en permanence une violence mal contenue réside
dans la façon dont le réalisateur la porte toujours plus haut, loin de tout esthétisme,
loin des clichés sur l'île méditerranéenne dont les habitants seraient
prisonniers de leur habitudes archaïques. Cette « folie » de Grazia inquiète mais
humanise et soude aussi toute la communauté. La réalité prend alors une belle dimension
mythologique.
Le 9 février 2003
Samuel Holder
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