Les Invasions Barbares

Film Canadien de Denys Arcand

2003, 100 minutes

Peut-être votre idée est-elle déjà faite sur ce film déjà sorti en salles depuis plusieurs semaines. On peut avoir des tas de bonnes raisons de ne pas aller le voir. D'abord si on n'a pas aimé le « déclin de l'empire américain », premier volet de l'œuvre en quelque sorte, même si chacun des films peut s'apprécier indépendamment l'un de l'autre. Ensuite si on a été rebuté à juste titre par la bande annonce ou l'affiche du film, plutôt racoleurs. Et puis si vous êtes allergiques aux blagues salaces, aux yuppies londoniens, aux junkies, mais surtout aux ex-soixantehuitards version québécois, qui sont revenus de tous les « ismes » et ont trouvé confortablement leur place dans la société, vous avez encore quelques bonnes raisons supplémentaires de ne pas aimer « les invasions ».

Reste une poignée d'êtres humains. Un homme qui va mourir, très bientôt, et qui le sait. Il n'a jamais très bien compris son fils, qui, contrairement à lui, le prof de fac, n'a jamais ouvert un livre et vit dans le monde de la finance internationale et des jeux vidéos. Il a toujours été loin, trop loin de sa fille qui pour lui, est une « ratée ». Son couple et sa vie de famille sont passés après sa vie sexuelle et ses frasques multiples, qui lui ont donné un solide appétit de vivre, à l'arrière-plan également de sa vie de prof de fac plus ou moins engagé, mais qui n'a produit que quelques articles. Même pas de quoi susciter ne serait-ce que la sympathie de ses étudiants quand ils le savent proches de la fin.

Alors l'homme qui va mourir, Rémy, a tout simplement peur. Et le film nous parle de cette peur là, avec vérité et simplicité. La peur de mourir seul, de mourir sans avoir véritablement vécu, sans rien laisser derrière soi, sans avoir donné de sens à son existence, la peur tout simplement de quitter la vie, ce, ceux et celles qu'on a aimé.

Car à partir du moment où le fils prodigue, bien malgré lui, prend les choses en mains sous la pression de sa mère, le cercle d'amis éloignés se reconstitue. Les choses vont sans doute un peu vite et ne se passent pas ainsi « dans la vie ». C'est un des reproches qu'on peut faire au film, de la même manière qu'il brosse à traits assez gros sans doute quelques caricatures qui participent au « déclin de l'empire » : l'état du système hospitalier québécois (mais on peut penser qu'on est là dans une anticipation pas si lointaine), les syndicalistes de l'hôpital ou encore le rôle très .... « facilitateur » de l'argent pour ouvrir bien des portes dans ce monde réputé libéral.

Les anciens amis se retrouvent donc rapidement autour du mourant. Le bon vieux temps est évoqué. L'inventaire des riches et des moins riches heures donne lieu à des bilans amers, mais surtout à de franches parties de rigolades, à quelques agapes agrémentées d'histoires de fesses dans une verve gauloiso-québécoise qui pourra peut-être en choquer certains. La vie reprend un goût et un sens. Mais ce sont surtout les relations humaines, celles, anciennes, qui prennent un nouveau relief, d'autres, qui se nouent dans l'urgence avec une employée d'hôpital, ou bien avec la fille d'une amie, une junkie, qui fournira la drogue qui fera supporter la douleur des dernières semaines, et enfin, avec le fils, ce sont donc ces relations humaines qui redonneront un sens à la vie de Rémy.

Entre l'émotion, les éclats de rire et les larmes, on l'accompagne jusqu'à une fin, rendue moins terrible par le goût de la vie retrouvée et l'assurance d'avoir transmis cet appétit à d'autres.

23 novembre 2003

Laurent

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