Merci pour le chocolat

Film de Claude Chabrol

Au début un bateau à aubes progresse lentement et majestueusement sur un lac Léman brumeux, avant d'accoster à Ouchy, le port qui se trouve en contre bas de la ville de Lausanne. Le rythme est donné ; il sera terriblement lent pour ne pas dire paresseux. Claude Chabrol nous livre en cours de route tous les indices soulignés à gros traits afin que le suspense soit quasi inexistant. Le plus intrigant dans ce thriller qui ne provoque que très peu de frissons, c'est que le personnage principal, la P-DG d'une firme de chocolats suisses, n'est pas crédible. La raison nous semble la suivante. Chabrol, à force de jouer les roublards avec les spectateurs, n'y croit pas lui-même et ne s'intéresse guère plus aux autres personnages. Le talent d'Isabelle Huppert et celui de Jacques Dutronc, jouant le rôle du mari, pianiste de renommée internationale, ne sont pas en cause. De fait les personnages les plus authentiques dans ce film sont interprétés par Anna Mouglalis, dans le rôle d'une jeune pianiste prometteuse, et Rodolphe Pauly, dans celui d'un fils sournoisement bafoué.

Ce film a une qualité séduisante, malheureusement marginale. Elle réside dans tout ce qui concerne la musique, son interprétation et les liens qu'elle peut créer entre des êtres qui se passionnent pour elle. Si ce film amène des spectateurs à écouter certaines pièces de Liszt pour piano, il n'y aura plus qu'à dire : Merci pour la musique.

Le maître et son élève impromptue travaillent une pièce intitulée “ Funérailles ”. Nous voudrions profiter de l'occasion pour recommander l'écoute de la sonate en si mineur de Liszt (on ne peut pas se tromper de sonate, il n'en a écrit qu'une en 1853, dédiée à Schumann). Dans cette œuvre, Franz Liszt allie virtuosité, profondeur émotionnelle et idées musicales nouvelles. Il y préfigure les audaces du siècle suivant imaginées par Debussy ou Ravel. Les interprétations qui s'imposent, très différentes les unes des autres, sont celles de Claudio Arrau, Alfred Brendel, Maurizio Pollini et Martha Argerich.

Revenons un instant au film. Le virtuose joué par Dutronc a été marqué par des drames intimes. Dans son travail exploratoire avec sa jeune élève, il éprouve soudainement le plaisir d'être le passeur d'un art. Incidemment, il lui signale le concerto pour piano du compositeur anglais Benjamin Britten. Il lui dit que cette œuvre est rarement jouée, difficile car ne permettant pas au soliste de se mettre en valeur à bon compte.

Pour qui voudrait découvrir cette œuvre, il faut aller tout droit à l'interprétation de Sviatoslav Richter au piano et Benjamin Britten lui-même à la tête de l'English Chamber Orchestra. Sur ce CD Decca-London se trouve également le très beau concerto pour violon de Britten interprété par Mark Lubotsky.

Le 4 décembre 2000

Samuel Holder

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