Voyage en Amérique

de Charles Dickens

Éditions Phébus (1994)
Récit autobiographique, 302 pages

L'écrivain anglais raconte ici son premier voyage aux États-Unis en 1842. Son humour fait merveille pour raconter sa traversée mouvementée de l'Atlantique, pour camper un prédicateur farfelu à Boston, la déambulation de gorets dans les rues de New York ou pour pester contre la pratique généralisée du crachat par les chiqueurs de tabac.

Dans plusieurs villes, Dickens s'est plus particulièrement intéressé aux établissements scolaires, aux asiles et aux prisons, dénonçant au passage les cruautés du système carcéral. Ses remarques sur les mœurs et les institutions politiques américaines ont gardé une certaine actualité. Il évoque les « méprisables fraudes électorales ; corruption de fonctionnaires ; lâches attaques contre l'adversaire, avec d'infâmes gazettes pour boucliers et des plumes stipendiées pour poignards ». Il constate que de nombreux incendies à New York sont commandités par des spéculateurs. Il fait judicieusement remarquer qu'une des raisons pour lesquelles Washington a été choisie comme capitale, c'est « très probablement en raison de son éloignement des masses ».

Dickens dénonce l'hypocrisie des discours sur la liberté et l'indépendance du citoyen qui cachent en fait la liberté pour les politiciens de ne pas tenir leurs promesses (notamment vis-à-vis des Indiens) et la liberté pour les propriétaires d'esclaves de les exploiter et de les torturer. Le livre se termine par un chapitre véhément contre le système esclavagiste avec des extraits édifiants de la presse américaine sur les sévices que faisaient subir les propriétaires à leurs esclaves noirs.

Dickens s'est intéressé au sort des opprimés avec les limites d'un petit-bourgeois réformateur, hostile à la lutte de classe. Point de vue que l'on retrouve dans son roman concernant les ouvriers anglais, «Temps difficiles » (Folio). Pour autant son indignation devant la misère et les injustices sociales n'était pas feinte. Il les dénonce dans ce « Voyage en Amérique » comme dans ses romans, avec une ironie mordante et un sens aigu de l'observation.

Le 12 mars 2001

Samuel Holder

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