Carlos Sorin a déclaré dans une interview au quotidien Le Monde du 31
août dernier : « Sur le plan thématique, du moins pour moi, je ne pourrais pas
raconter une histoire qui ne soit pas liée à la crise économique et sociale. C’est
comme si, dans ce pays, faire un film d’imagination, de pure fiction, était devenu
immoral. »
Carlos Sorin se confronte à la réalité de son pays de façon très
originale. Le personnage principal de ce film Bombon el Perro est un employé d’une
station-service de Patagonie qui a été licencié. Un « perdant » parmi des
millions d’autres. À plus de cinquante ans, Juan essaie de survivre en vendant des couteaux dont
il confectionne les manches dans des bois précieux. Difficile de trouver des clients car même
ceux qui ont encore un emploi, sont trop fauchés pour les lui acheter à un bon prix. Il habite
chez sa fille qui doit élever ses enfants et faire tourner la maison seule car son mari est
complètement déprimé. Juan se fait tout petit, tout discret, mais comment s’en
sortir ?
Cet homme a un profil qui n’est pas en phase avec une réalité sociale impitoyable. Il est
fondamentalement gentil avec tout le monde, y compris avec des inconnus qu’il rencontre dans ses
déplacements. Il ne sait pas se faire valoir. Il est toujours prêt à rendre service pour
rien. Pas bon çà, dans un monde où il faut savoir séduire, « se
vendre », être sur ses gardes et être plus fort que les autres. Sauf qu’un hasard va
modifier sa situation en sa faveur. Quelqu’un, à qui il a rendu service, va lui donner un chien
portant le nom de Bombon, en l’occurrence un dogue blanc ayant un excellent pedigree. Du coup, par
ricochet, son nouveau propriétaire ne va plus du tout être perçu comme quelqu’un de
modeste et d’insignifiant. Bien des choses peuvent alors arriver ; d’autant plus que
« Bombon le chien », ce n’est pas n’importe qui, ni par sa taille et ses crocs, ni
par sa personnalité !
Carlos Sorin a réussi à merveille à jouer sur plusieurs registres, la mélancolie,
la chaleur humaine, quelques pointes d’humour et d’ironie, et un regard intransigeant sur les
effets de la crise sociale. Un « road movie » très singulier, à ne manquer sous
aucun prétexte.
Le 6 septembre 2005
Samuel Holder
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