Ce n'est pas tellement qu'Alexis est beau. Ni
l'écrivain. C'est leur amour qui est beau. Dans cette ville de Medellin en
Colombie, où les narcos fêtent par des feux d'artifice une
livraison réussie aux a vierge des tueurs, où la vie d'un homme vaut le
billet qu'on donnera aux gamins de la Francia ou d'un autre
bidonville pour tuer, la relation entre l'adolescent et l'écrivain
à la recherche de ses souvenirs a quelque chose d'unique. Même si elle
est née dans un bordel. Pas de mélo, pas de trémolo, on est à
Médellin. Pas de beaux serments. La vie vaut le prix de cette journée, de
cet instant, parce que demain
Alors il faut pas spécialement les ennuyer,
Alexis et l'écrivain. Et un voisin bruyant, ça doit pas empêcher
l'écrivain de dormir. Alexis peut lui arranger ça. Par amour. Oui,
Alexis se protège avec son flingue. Est-ce que ce n'est pas son saint
protecteur aussi beau que la vierge des tueurs depuis qu'il est tout
gosse ? Oui, le flingue, c'est ce qui permet à Alexis d'obtenir ce
qu'il veut dans la vie, des fringues classes, un repas. Le reste, ce dont il
rêve, une chaîne hi-fi, une télé, c'est
l'écrivain qui les lui paient. Presque tout en fait, sauf ce qu'il
aimerait vraiment : un petit pistolet mitrailleur. Oui, l'écrivain a mis entre
lui et la réalité une bonne dose de cynisme. Est-ce que quelqu'un leur
fera la morale ? Ce qui est vrai, c'est que leur amour est une fleur poussée
sur la merde de cette ville de tueurs, de prostitués, de junkies, de politiciens
pourris. Les fleurs, c'est beau. C'est fragile, surtout dans les rues de
Medellin, surtout si un jour, on sort sans flingue.
Le 24 septembre 2000
Laurent