The Take

D'Avi Lewis et Naomi Klein

Film documentaire
Canada, 2004, 87 minutes

Le cinéaste Avi Lewis et la journaliste Naomi Klein, auteure de « No Logo » sont deux militants altermondialistes qui ont débarqué en Argentine au début de 2002 après avoir assisté au forum social de Porto Alegre(1). Ils vont rapidement se passionner pour un des aspects du grand mouvement qui mobilise depuis décembre 2001 la classe ouvrière et la petite bourgeoisie ruinée. Ce film ne fait donc pas double emploi avec « Argentine, Mémoires d'un saccage » de Fernando Solanas qui ne s'intéressait que de façon allusive à l'activité des chômeurs et des ouvriers.

« The Take » (la prise) est focalisé sur l'action et la vie personnelle d'ouvriers prenant leur usine en mains et tentant de la faire fonctionner en se passant de leur patron. Cette usine est « la Forja San Martin » qui fabrique des pièces détachées pour automobiles. Le mouvement d'autogestion qui ne concernait au début que l'usine de confection Brukman et celle de céramique Zanon s'est étendu et touche aujourd'hui deux cents entreprises.

Les ouvriers de « San Martin » doivent d'abord surmonter leur découragement devant des ateliers déserts et du matériel en mauvais état ou faisant défaut. Ils trouvent un appui moral et des conseils auprès des travailleurs qui gèrent déjà leur usine. Ces occupations sont l'objet de contestations judiciaires et d'interventions policières musclées au cours des années 2003 et 2004.

De nombreux épisodes se produisent au cours de la campagne électorale qui a abouti à l'élection de l'actuel président péroniste Nestor Kirchner. On voit au sein d'une famille ouvrière que les avis sont partagés sur ce politicien. Le film montre l'expulsion brutale des ouvrières de l'usine Brukman qui reprendront ultérieurement possession des lieux.

Les nantis voient d'un très mauvais oeil ce qui est devenu le Mouvement National d'Entreprises Récupérées. Dans le magazine « trois couleurs » d'avril des salles MK2, Avi Lewis déclarait : « Le mois dernier, l'épouse d'un des ouvriers de l'usine Zanon a été kidnappée puis torturée. Des individus l'ont enlevée à bord d'une Ford Falcon, un véhicule qui rappelle aux Argentins des jours bien sombres, et qui indique qu'il s'agit de groupes mafieux issus de la dictature et toujours actifs aujourd'hui. C'est un exemple particulièrement violent, mais les menaces de mort par téléphone envers les syndicalistes sont quotidiennes. Je crois que le mouvement perdurera, maintenant qu'il a prouvé qu'il pouvait résister aux pressions tout en créant des emplois. »

On sent que les réalisateurs, qui n'apparaissent que furtivement à l'écran, éprouvent beaucoup de sympathie et d'admiration pour ces travailleurs en lutte qui pratiquent la démocratie directe. Ce film chaleureux n'a rien de caricatural ou d'ostentatoire. En témoignant de l'expérience ouvrière argentine en cours, il contribue à donner corps à l'idée que l'on peut se passer des patrons et s'en porter mieux à tous égards. Si l'expropriation des capitalistes et la gestion de quelques usines par les travailleurs argentins fonctionnent, on se dit que l'expérience est généralisable à toute l'économie...

Le 17 mai 2005

Samuel Holder

1. A lire dans l'hebdomadaire « Rouge » n°2109 du 28 avril 2005, en page 16, une intéressante interview de Naomi Klein et Avi Lewis.

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