Ces courtes histoires sont à déguster sans précipitation.
Arno Schmidt qui est mort en 1979 dans le nord de l'Allemagne de l'ouest, les avait
écrites dans le milieu des années cinquante. Il est préférable de lire
avant la postface du traducteur Claude Riehl pour avoir quelques clés sur cet auteur hors
normes morales ou esthétiques. Il écrit à un moment que les auteurs sont des
zigomars. Mais lui-même l'est davantage que les autres ; et il est aussi bien plus que
cela. Dans « Le Chant du compteur », il glisse en passant : « ce " Ni
Dieu, ni maître " demeure sans conteste ce qu'il y a de plus beau. »
Situons le contexte. L'Allemagne de cette époque-là est divisée en deux,
ce qui permet à des petits malins de trafiquer un peu vers la RDA. En Allemagne
fédérale, il y a pléthore de bien pensants cherchant à faire oublier
leur passé nazi. Arno Schmidt réduit tout cela en purée avec force
plaisanteries burlesques et grinçantes. Les premières nouvelles qui sont les plus
faciles à lire mettent en scène le chef géomètre émérite
Stürenberg, pontifiant à souhait, faisant étalage de son érudition et de
ses actes de bravoures pour la plupart fictifs.
Le langage, Arno Schmidt le triture, le casse et le reconstruit à sa façon. Pour
adopter certaines de ses habitudes typographiques, disons qu' « Histoires » est 1
livre énigmatique ; poétique & drôle. Quand il écrit :
« descendre le sentier pentu et boueux, dyeuksaglissait », on s'en sort,
aussi bien qu'à la lecture du « Zazie dans le métro » de Raymond
Queneau. Mais parfois c'est plus ardu, parce que certaines citations en anglais ne sont pas
traduites ou parce que des références à la culture ou à la vie
quotidienne en Allemagne nous échappent. Quelques notes d'éclaircissement de la
part de l'éditeur n'auraient pas été de refus. Ne restons pas sur ce
regret. Arno Schmidt est un auteur trop original au meilleur sens du terme pour ne pas faire
l'effort de le découvrir. Ses éclats de rire et de poésie sont à
nul autre pareils.
Le 30 mars 2001
Samuel Holder
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