L'homme sans passé

Film finlandais d'Aki Kaurismaki

Avec Markku Peltola et Kati Outinen
2002, 97 minutes

Faisons un rêve. Un ouvrier soudeur, tabassé à mort par des voyous qui le dévalisent dans un parc d'Helsinki, peut ressusciter. Dans un terrain vague, il peut trouver de l'aide auprès d'une famille très pauvre qui ne lui demande pas qui il est ni pourquoi il est là. Cela tombe bien car il n'en n'a pas le moindre souvenir. Nom, prénom, adresse, date de naissance, profession ? Il a tout oublié. Sauf qu'il était dans un train avant d'avoir été frappé. Amnésique ? Si l'on veut. Mais ce n'est pas raisonnable de vouloir cela. Notre homme risquerait de se retrouver en prison si les gardiens de l'ordre social s'imaginaient qu'il fait semblant d'être amnésique. Ou alors en hôpital psychiatrique, s'il est vraiment amnésique.

Ne brisons pas le rêve. Cet ouvrier devenu sans-abri, ne se souvient de rien. Soit. Ce n'est pas si dramatique puisqu'il regarde la vie et les gens bien en face et avec compréhension. Il est posé, tranquille, positif. Ca fait du bien à la plupart des gens et ça désarme les autres.

Dans ce rêve éveillé, Aki Kaurismaki nous dit aussi qu'un homme et une femme peuvent s'aimer avec une infinie délicatesse. En 2002 ! En plein marasme de la société capitaliste avancée, excessivement avancée d'ailleurs dans la dégradation des relations humaines. Il est fou ce Finlandais ! On voudrait que sa folie douce soit contagieuse.

La femme qui devient amoureuse de l'homme sans identité travaille à l'Armée du Salut. Et figurez-vous qu'elle n'est pas vraiment jolie. Elle est belle, en dehors des critères minables de la pub et de la mode. Elle a cette beauté émouvante que seuls de très rares réalisateurs sont capables de détecter et de montrer à l'écran.

Dans ce rêve éveillé, il y a beaucoup de choses réelles qui dépeignent droit au but l'horreur et la tristesse  de la société actuelle. Le réalisateur a ménagé tous les décalages, toutes les petites surprises, tous les mini-gags possibles et imaginables pour exercer sa subversion humoristique.

Avec de la couleur, de belles lumières, du bon vieux rock, du bon vieux blues, de bonnes vieilles mélodies populaires, des personnages attachants, le rêve tient la route. Aki Kaurismaki nous fait rire du présent sinistre. Il glisse dans cette histoire quelque chose de l'époque où davantage de solidarité existaient entre les exploités. Sans nostalgie grincheuse.

Partant de là, si nous rêvions ensemble que la classe ouvrière reprendra espoir et que l'humanité aura un futur digne d'elle ?

Le 18 novembre 2002

Samuel Holder

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