Microphone

Film d'Ahmad Abdalla

Égypte, 2010, 120 minutes
avec Kaled Abol Naga, Menna Shalabi, Yosra El Lozy...
Site officiel http://microphone-film.net
IMDB : http://www.imdb.com/title/tt1684913/


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Ce film a remporté en novembre 2010 le Tanit d'Or, la récompense la plus importante du festival de Carthage (Tunisie) le plus réputé du monde arabe et la Tulipe d'Or au festival du film d'Istanbul en avril 2011.

Le film raconte l'histoire de Khaled qui vient de finir ses études d'ingénieur aux USA et qui rentre à Alexandrie, plein d'énergie et d'envie de construire quelque chose en Égypte. En recherche de nouvelles relations, ses anciennes connaissances ayant disparu ou changé de vie, son amie voulant fuir ce monde étouffant pour les femmes, il erre en ville et croise le milieu des musiciens et artistes « underground », hip-hop, rock, rap, heavy metal féminin, graffeurs de murs, skate-boarders....

Enchanté et séduit par l'audace et la créativité de ce milieu, il tente de rassembler ses ressources dans l'espoir de soutenir ces nouveaux talents mais se heurte à l'inertie de la bureaucratie et à l'hostilité des mosquées comme des familles. Sa vie s'immerge alors complètement dans la musique, le cinéma et l'art, un mouvement d'autant plus extraordinaire qu'il est semi clandestin et doit se débrouiller avec les moyens du bord dans ce pays qui reste à ce moment, ne l'oublions pas, une dictature. La musique et l'art en butte permanente à la censure, aux interdictions et aux tracas de ce monde policier apparaissent alors comme une respiration de liberté et de joie de vivre.

Microphone nous fait faire un voyage décousu mais plein de dynamisme, de bonheur et d'humour, à la rencontre de musiciens et artistes tout aussi surprenants que ce qu'ils créent, dans une Égypte tellement éloignée des clichés qu'on nous sert habituellement sur ce pays. Ce sont des musiciennes d'Heavy metal qui, maquillées comme des chanteurs de Kiss, partent à pied dans les rues d'Alexandrie pour rejoindre le lieu où elles doivent jouer. Ce sont des musiciens de rock qui jouent sur les toits faute de mieux. Ce sont des chanteurs de rap qui chantent la révolution et tentent de convaincre le représentant du ministère de la culture de la nécessité de toute liberté en art. Ce sont des dessinateurs de graffiti sur les murs qui jouent au chat et à la souris avec les policiers. Ce sont des cinéastes - d'un collège jésuite - qui volent des images dans la rue avec une caméra cachée dans une boite à chaussures. Et tous, au risque de leur liberté.

À travers cela, ce sont les éléments de la révolution des jeunes qui vient qui sont tous décrits ici. Ils en ont marre, et leur frustration nourrit leur art. Vivant de rien, ils se débrouillent et leur énergie vitale, leur joie de vivre, leur combativité, leur connexion aux bruits du monde nous transmettent leur excitation mais aussi leurs attentes, leurs besoins et leurs passions. A la fin de leurs études ou déjà au chômage ou dans des petits boulots - comme l'un d'entre eux qui est poissonnier, mais tente de sauver les poissons - ils veulent vivre et respirer la liberté à plein poumons. C'est la teneur du message qu'ils ont envoyé au monde entier, en faisant chuter Moubarak et sa société policière et répressive, patriarcale et étouffante, religieuse et hypocrite.

Il faut voir ce film tourné avant la révolution mais tellement révélateur de la soif de vie de ces facebookers d'Égypte - mais qui pourraient être d'ailleurs, d'Espagne ou de Grèce - qui ont ébranlé ce vieux monde ranci.

Le 12 juin 2011

Jacques Chastaing

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URL d'origine de cette page http://culture.revolution.free.fr/critiques/Ahmad-Abdalla_Microphone.html

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